Richard Descoings, directeur de Sciences Po Paris, à qui Nicolas Sarkozy, Président de la République, a confié une mission « d’analyse, de compréhension, d’écoute et de proposition » sur la réforme du lycée, doit remettre à Xavier Darcos, ministre de l’Education nationale, un rapport d’étape fin mai, et son rapport final en octobre 2009, « de sorte que la rentrée 2010 puisse être préparée, dans les lycées, sur de nouvelles bases » (sic).
-Quelle est la stratégie ?
Elle est très claire. Elle s’appuie sur la loi Fillon de 2005, qui permet aux établissements scolaires d’expérimenter des dispositifs pédagogiques ou organisationnels. Ainsi, dès la rentrée 2009, quelque 116 lycées vont procéder à des expérimentations de certains points de l’ancienne réforme repoussée en décembre 2008 (semaine de bilan et d’orientation, semestrialisation, accompagnement individualisé, etc.…) prélude, sans aucun doute, à une généralisation massive dès la rentrée 2010.
-Cette stratégie sera-t-elle payante ?
Oui, si on la compare à celle employée pour réformer le lycée professionnel. Expérimentée en 2008, la réforme du bac pro 3 ans sera en effet et vraisemblablement généralisée en 2009, alors que les textes officiels ne sont pas encore publiés…C’est simple, pour contourner l’obstacle, il suffit de passer tout en douceur. Dans un premier temps, feindre le retrait de la réforme ( repli tactique) puis dans un second temps, relancer un processus de pseudo-concertation avec les acteurs sur le « terrain ».
Autrement dit, ouvrir une brèche, entrer dans la place, investir la forteresse, prendre le contrôle du calendrier, saper les dernières résistances, et forcer la citadelle à recevoir la « réforme » sans coup férir par l’emploi de la ruse. Pour bénéficier de l’effet de surprise, cette stratégie demande évidemment une grande rapidité dans l’exécution de toutes ces manœuvres…Dommage! Nous connaissons déjà la fin du « film » ! L’assaut final sera donné, vous l'avez deviné, à la rentrée 2010. Xavier Darcos ou son successeur pourra alors sonner l'hallali...
Parallèlement, une mission parlementaire d’information sur la réforme du lycée, lancée en janvier 2009 suite au report de celle-ci, poursuit ses consultations. Yves Durand, le président de cette mission, a auditionné des figures de l’enseignement supérieur lors d’une table ronde publique.
Les débats ont tourné autour des questions essentielles : comment organiser au mieux le lycée pour faciliter les poursuites d’études dans l’enseignement supérieur ? Quelles mesures prendre pour démocratiser son accès et venir à bout de la hiérarchie des filières ?
Certains intervenants ont évoqué une réforme par l’expérimentation et non de façon globale: François Perret, doyen de l’Inspection Générale de l’Education Nationale, prend même comme exemple la réforme du bac professionnel d’abord expérimentée puis généralisée à la rentrée 2009. Nous y sommes: cette stratégie qui a déjà fait ses preuves, est donc bien la bonne...Christian Cuesta, membre du bureau de l’assemblée des directeurs d’I.U.T., déclare à propos du bac : « il est troublant que le D.U.T. en contrôle continu reçoive un si bon accueil et non le baccalauréat ».
La question de l’autonomie des établissements, donnant plus de souplesse à leur organisation, est remise sur la table, ainsi que l’idée d’un socle commun des connaissances et d’une orientation « chemin faisant ». Toutes ces préconisations rejoignent ainsi largement le contenu de l’ancienne réforme rejetée en 2008.
« Je suis incapable de dire pourquoi la précédente réforme a échoué », s’interroge naïvement Benoist Apparu, député de la Marne et membre de la mission. « C’est une question de pédagogie, peut-être ? », ironise-t-il.
Interrogé sur le « tour de France des lycées » de Richard Descoings, il affirme : « J’en pense beaucoup de bien. On a besoin d’associer à la réforme ceux qui vont la faire marcher. Cela ne peut pas fonctionner si on reste enfermé dans un bureau, si on s’en tient à une négociation entre le ministre et les syndicats ».
Oui, il est vrai, en effet, que la réforme du bac pro 3 ans a été, de ce point de vue, un modèle de négociation et de concertation, avec la consultation au préalable des différents acteurs, associant scrupuleusement "ceux qui vont la faire marcher"à son élaboration, et prenant largement en compte la diversité et les spécificités de l’enseignement professionnel…
Mais vous avez raison, monsieur le député, cela ne peut pas fonctionner !
Abdellah AZIZI