Dix-huit mois après son arrivée au ministère de l'Education, Vincent Peillon peine à faire accepter la réforme des rythmes scolaires à l'école primaire. Alors que les opposants multiplient les actions cette semaine, Laurent Frajerman, chercheur à l'institut de recherches de la FSU (1), revient sur les raisons de ce blocage.

Vincent Peillon a-t-il sous-estimé l’opposition au passage à la semaine de quatre jours et demi ?

Il a surtout sous-estimé la complexité de cette réforme, qui croise des questions scolaires et périscolaires, et qui implique plusieurs acteurs : enseignants, mairies, animateurs. Cette protestation agit aussi comme révélateur d’un mal-être enseignant qui n’était pas entièrement prévisible.

Comment expliquer cette mauvaise préparation du ministère ?

En 1981, la moitié des ministres et députés socialistes étaient enseignants. Mais depuis, ces derniers ont perdu l’essentiel de leur influence dans le Parti socialiste. De ce fait, Claude Allègre avait pu se maintenir au ministère de l’Education plusieurs années alors qu’il avait insulté les enseignants, en gonflant leur taux d’absentéisme. Aujourd’hui, le PS pâtit aussi de la perte des ses connexions dans ce monde, celles qui lui permettraient de sentir le terrain et de faire une synthèse. Le fait que Bruno Julliard ait été chargé du projet éducatif du parti est significatif. Il n’a jamais enseigné, a été responsable de l’Unef, cadre du PS et désormais maire-adjoint de Paris. C’est révélateur de la professionnalisation du monde politique et de la perte de ressources du PS dans un domaine stratégique pour lui.

Y a-t-il d’autres facteurs explicatifs ?

L’Education nationale, comparativement à d’autres secteurs, connaît une surconflictualité. C’est une profession combative et organisée. Si on le prend de la bonne manière, ça peut être un atout pour le dialogue social. Mais un ministre ne peut pas arriver devant une organisation comme la FSU [le premier syndicat du primaire, ndlr] sans avoir rien à proposer de positif. Le budget du ministère a certes été augmenté, mais cela a été vécu comme une demi-mesure. C’est en effet un rattrapage, qui met du temps à se mettre en place sur le terrain et ne compense pas les dégâts infligés par la droite. Dans son programme, François Hollande avait donné la priorité au primaire. Mais en survendant cet aspect, alors que la principale réforme est celle des rythmes, qui à l’arrivée complique la vie des enseignants, il y a clairement un décalage.

Peillon s’est-il complètement coupé du monde enseignant, soutien traditionnel de la gauche ?

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