Nicolas Sarkozy est sans doute l'un des présidents qui a le plus parlé sur l'école. A peine élu, il a publié une "Lettre aux éducateurs", un fascicule de 32 pages publié à un million d'exemplaires et envoyé à tous les profs de France, où il développe sa vision de l'école. Puis il a enchaîné les discours, a annoncé des réformes, grandes et petites, a fait des promesses, chiffrées ou non...
Mais il en a aussi beaucoup oubliées en route et s'est aussi pas mal renié. Voici une sélection choisie, et donc forcément arbitraire, de ces "oublis" et de ces renoncements:
- "Si j'ai voulu que fût lue la lettre si émouvante que Guy Môquet écrivit à ses parents à la veille d'être fusillé, c'est parce que je crois qu'il est essentiel d'expliquer à nos enfants ce qu'est un jeune Français, et (...) ce qu'est la grandeur d'un homme qui se donne à une cause plus grande que lui", le 16 mai 2007, premier jour de son quinquennat
Durant les deux premières années, malgré la vague de critiques, la lettre a bien été lue en grande pompe dans certains lycées. Elle ne l'est pratiquement plus aujourd'hui. Les profs reprochent la dimension bien trop émotionelle d'une telle pratique, qui n'apporte rien à la compréhension de cette période compliquée.
- "Notre objectif est de rendre la carte scolaire superflue par une égalisation du niveau des établissements qui permettra aux parents de choisir l'école de leurs enfants", le 5 juillet 2007 dans sa lettre de mission au ministre de l'Education Xavier Darcos
Il y a bien eu un assouplissement de la carte scolaire, avec l'annonce d'une série de critères permettant des dérogations - élèves handicapés, boursiers, fratrie, résultats scolaires, etc. Mais sa suppression, pourtant une promesse de campagne de Nicolas Sarkozy, a discrètement été abandonnée en route.
Contrairement aux promesses, aucun bilan de l'assouplissement n'a été rendu public. Les études d'experts parues ici et là concluent au mieux à l'absence d'effets, au pire à une dégradation de la situation des "collèges ghettos", fuis par leurs meilleurs éléments grâce à cet assouplissement.
- "Nous souhaitons que l'enseignement des langues étrangères commence dès le cours préparatoire et que (...) tout élève sorte bilingue du lycée", le 5 juillet 2007, dans la lettre de mission de Darcos
On en est très loin. Le ministre de l'Education Luc Chatel a pourtant l'air convaincu de l'importance des langues dans notre monde: il s'est prononcé pour l'anglais dès la maternelle, a commandé un rapport sur les langues à l'école, a annoncé un grand plan...
Mais au final, les intervenants en langues étrangères sont les premières victimes des suppressions de postes. Et en raison de ces suppressions, les dédoublements de classes, indispensables pour faire travailler les élèves à l'oral, sont de plus en plus difficiles.
- "Pour toutes les familles qui le veulent, le mi-temps sportif devra devenir possible", le 5 juillet 2007, dans la lettre de mission de Darcos.
C'était un voeu pieux. Le 19 août 2010, dans une opération de com' dont il a le secret, Luc Chatel avait annoncé à grand fracas la mise en place de l'expérimentation "Cours le matin-sport l'après midi" dans 83 collèges et 41 lycées, pour quelques classes à chaque fois, regroupant pas plus de 7 000 élèves. Mais le dispositif est resté très limité, faute d'équipements sportifs et de profs....
- "Chaque année, à partir de la rentrée 2008, tous les enfants de CM2 se verront confier la mémoire d'un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah", le 13 février 2008 lors du dîner annuel du CRIF (le Conseil représentatif des institutions juives de France)
L'annonce a déclenché un tollé. Simone Veil elle-même a pris ses distances, sur le thème: faire assumer la mémoire des enfants juifs disparus est traumatisant pour des élèves de 9-10 ans, qui risquent de pas comprendre et de se culpabiliser... Xavier Darcos a vite, et discrètement enterré l'affaire.
- "Je prends un engagement devant vous: nous allons diviser par trois le taux d'échec scolaire à la sortie du CM2 d'ici la fin de la mandature", le 15 février 2008 à Périgueux
On en est loin. Le ministère de l'Education nationale s'est récemment vanté d'un petit mieux avec les évaluations nationales de 2011 en CM2 - en français, 7 % des élèves n'ont pas les acquis suffisants (contre 7 % en 2010) et 19 % ont des acquis encore fragiles (20 % en 2010), et en maths 10 % maîtrisent insuffisamment les acquis (13 % en 2010) et 20 % ont des acquis encore fragiles (20 % en 2010).
Mais d'autres évaluations donnent des résultats sensiblement moins encourageants. La dernière étude Pisa de l'OCDE, portant sur le niveau des élèves de 15 ans, est, elle, carrément décourageante - les élèves en grandes difficultés en français passent de 15 à 20%.
- "Aucun jeune ne devra - attention, ce ne sont pas des mots, ce sont des décisions - aucun jeune entre 16 et 18 ans ne devra être laissé hors de tout système de formation sauf s'il a déjà un emploi", le 29 septembre 2009 à Avignon
Là encore, c'est raté. A la fin du mandat, on compte toujours autant de "décrocheurs", ces jeunes qui quittent chaque année le système scolaire sans diplôme ni qualification - 150 000 approximativement.
Sous Nicolas Sarkozy, on a tout de même enregistré un progrès: des plateformes communes ont été mises en place avec les Rectorats, les missions locales, Pôle emploi, les CFA (centres de formation des apprentis), afin d'identifier les jeunes décrocheurs et de leur proposer quelque chose. Mais on est loin de la solution.
"Je sais parfaitement que nous serons jugés, que je serai jugé au résultat, j'y suis prêt", avait dit Nicolas Sarkozy à la fin de son discours sur la jeunesse le 29 septembre 2009 à Avignon. Et bien, l'heure du jugement a sonné...