In Pascal sur la Toile: le blog
Il y a eu jeudi dans le pays une grande grève des enseignants, accompagnée de manifestations comme on n'en avait pas vues depuis pas mal d'années. Pour les syndicats, c'est un succès. Au-delà d'une ridicule bataille de chiffres, il est clair que de nombreux enseignants non-syndiqués -n'en déplaise aux commentateurs habituels de ce genre de chose- avaient cessé le travail. Il est clair également qu'il y a un profond malaise dans la profession, face à des attaques continuelles, un mépris croissant de nos gouvernants, et une remise en cause de méthodes de travail qui normalement sont du ressort de l'enseignant et de lui seul.
Les syndicats clament haut et fort que cette journée fut un succès. Oui et... non. Pour moi, ce fut le chant du cygne de l'action syndicale et de la culture du conflit.
Entendons-nous bien: je ne remets pas en cause le bien-fondé de la plupart des revendications exprimées, exceptée celle qui consiste à réclamer "plus d'argent". Je remets en cause la façon dont fonctionne dans ce pays la revendication catégorielle et les moyens d'action utilisés par des organisations syndicales qui ne représentent plus qu'elles-mêmes aujourd'hui tellement elles se sont éloignées de ce que réclame la base. Et je ne vous redirai pas ce que je pense des syndicalistes professionnels du genre d'Aschieri, je l'ai assez descendu il y a quelque temps.
Prenons l'exemple de la Côte d'Or. A quoi avons-nous assisté? A une vaste plaisanterie qui s'apparente un peu à de l'escroquerie. Il y eut une "assemblée générale" qui fit beaucoup fait rire ceux qui assistèrent tellement elle était caricaturale de la pseudo-démocratie instaurée par les syndicats; comme toujours les va-t-en-guerre furent les seuls à ne pas s'exprimer sous les huées, les quelques doutes raisonnablement exprimés par certains quant à la portée des actions proposées se trouvant noyés sous les propos violents. Ce genre de truc me rappelle toujours fâcheusement les rodomontades de Gamelin du style "nous vaincrons car nous sommes les plus forts", tant il est vrai que le sang d'autrui ne coûte rien.
Ensuite il y eut une belle manifestation. Réussie, c'est vrai. Mais propre à exacerber l'excitation, ce qui n'est jamais bon. Surtout lorsqu'une partie des manifestants a moins de dix-huit ans...
Les syndicats du département avaient obtenu un rendez-vous de l'Inspecteur d'Académie suite à un courrier nominatif de celui-ci cherchant à faire passer la dernière réunion d'information syndicale comme une absence injustifiée. Pourquoi un rendez-vous le jeudi à 17h? Qui a eu une idée pareille? Parce que ce qui devait arriver est arrivé: des centaines de personnes se sont regroupées devant l'Inspection Académique, dont la plupart n'avaient rien à faire là, les lycéens par exemple. Si ce sont les syndicats qui ont réclamé ce rendez-vous à cette heure-là ce jour-là, ce ne pouvait être que pour amener un conflit qui fatalement devait prendre corps. Si c'est l'IA qui l'a fait, c'est soit de la bêtise soit une volonté de pourrir le dialogue. Dans les deux cas de toute façon la responsabilité de ce qui a suivi est partagée équitablement entre deux interlocuteurs dont l'un n'aurait jamais dû proposer un rendez-vous pareil et l'autre évidemment le refuser.
Evidemment, lorsque les portes de l'Inspection académique se sont ouvertes ce fut la ruée et l'occupation des locaux. Il était dès lors évident que jamais l'Inspecteur d'Académie ne recevrait personne dans ces conditions: on ne prend pas son interlocuteur en otage, c'est une question de dignité et d'honnêteté. Oui, les syndicats qui étaient concernés par ce rendez-vous ne furent ni honnêtes ni dignes. Parce que j'ai personnellement bien su lire ce soir-là sur les visages des présents dans le hall de l'IA l'excitation malsaine d'une foule se sentant groupée et forte, et la jubilation de ceux qui sentaient le vent du "jour de clarté". Cette occupation des locaux était minable, contre-productive... infantile.
Je n'excuse pas non plus le départ offusqué de la scène des représentants d'un grand syndicat, alors que ce qui devait se passer était évident. Jouer les vierges effarouchées, c'est tout juste bon pour les oies blanches. Quand on est représentant syndical on essaie de ne pas se comporter en petite fille gâtée.
Bref, les syndicats -tous les syndicats- auraient dû quitter les lieux et attendre à l'extérieur du bâtiment, essayer même de convaincre tout le monde de sortir. C'eut été là un comportement adulte. Et cela aurait évidemment évité que tout le monde se fasse sortir par les CRS en fin de soirée, ce qui est un comble! Car de fait l'Inspecteur d'Académie n'a pas pu répondre aux questions légitimes que se posent tous les enseignants du département qui avaient assisté à la réunion d'information syndicale: sur le plan syndical c'est donc un four.
J'avoue que j'ai du mal à admettre maintenant que ceux qui ont été virés comme des malpropres par les CRS veuillent aujourd'hui se faire passer pour des victimes, et mettent leur propre connerie sur le dos de l'Inspecteur d'Académie, qui dans cette affaire est le seul à avoir eu un comportement responsable. Mais je suis persuadé que dans leur for intérieur les syndicalistes du département se sentent aujourd'hui forts, fiers et unis. Quelle erreur !
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http://pslt.blogspot.com/2008/11/action-syndicale-et-culture-du-conflit.html