Le ministre affronte sa première zone de turbulences. Le 9 mai, les enseignants sont appelés à se mettre en grève pour préserver le service public par l'ensemble des syndicats de la fonction publique (CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT, FA-FP, FO, FSU, Solidaires et Unsa). La FCPE appelle pour sa part les parents à poursuivre leur mobilisation le lendemain « pour permettre des alternatives aux réformes portées par le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer ».
La Haute assemblée doit examiner en séance publique le 14 mai le texte de loi Blanquer et c’est peu dire qu’elle n’en goûte pas les orientations. « Inégal », « précipité », « peu abouti », voilà les termes choisis dans le rapport, publié le 2 mai, pour qualifier le texte de loi. « Le projet de loi initial et son examen à l’Assemblée nationale témoignent de l’improvisation et de la précipitation du gouvernement, faisant fi de la concertation et du dialogue social », peut-on y lire. Sur plus de 300 amendements déposés, 141 ont été approuvés par la commission du Sénat (lire la synthèse ici).
La loi dite pour l’école de la confiance, présentée comme purement formelle par le ministre de l’éducation nationale Jean-Michel Blanquer, devait simplement entériner l’abaissement de l’âge de la scolarisation obligatoire de 6 à 3 ans promis par le président de la République.
Mais, opportunément, d’autres dispositions éparses s’y sont greffées, rendant illisible le projet de loi dans sa totalité. Un brouillard jamais réellement dissipé par les discussions dans l’hémicycle.
Avec une majorité LREM acquise au ministre à l’Assemblée nationale, l’adoption en première lecture a été une formalité. Peu de débats sur l’école ont eu lieu et les députés, avec l’appui du ministre, se sont égarés du côté des symboles et ont décidé de placer des drapeaux tricolores et européens dans chaque salle de classe avec les paroles de l’hymne national.
Dans l’intervalle, la mobilisation, initiée par les parents et enseignants, s’est poursuivie sous différentes formes. Des occupations d’écoles, des manifestations, des assemblées générales se sont tenues çà et là pour alerter sur des dispositions jugées inquiétantes dans la loi.
Les sénateurs semblent avoir entendu ces craintes. « Cette disposition se révélera sans réel impact puisque 97 % des enfants de 3 ans sont d’ores et déjà scolarisés : la loi, ici, ne fait que suivre le mouvement que la société a déjà imprimé », expliquent les sénateurs. D’où leur volonté de proposer des aménagements sur l’obligation d’assiduité dans un amendement en maternelle.
Les parents pourraient continuer à garder leurs enfants en première année certains après-midi par exemple et après échange avec l’équipe éducative. Les jardins d’enfants, qui accueillent environ 10 000 enfants jusqu’à 6 ans, avaient été supprimés. Le Sénat propose de leur offrir un sursis. Ils pourraient poursuivre leur mission à condition d’être contrôlés sur le plan pédagogique par l’Éducation nationale.
Deux articles ont polarisé l’attention et cristallisé toutes les craintes de la communauté éducative, des syndicats et des parents d’élèves. L’article 1 qui commande aux enseignants l’exemplarité a été perçu par eux comme une volonté de restreindre leur liberté d’expression.
Il indiquait dans la version adoptée par l’Assemblée nationale : « La qualité du service public de l’éducation dépend de la cohésion de la communauté éducative autour de la transmission de connaissances et de valeurs partagées. Cela signifie, pour les personnels, une exemplarité dans l’exercice de leur fonction et, pour les familles, le respect de l’institution scolaire, dans ses principes comme dans son fonctionnement. »
Durant les débats, les députés des groupes de gauche ont prié le ministre de retirer cet article, l’accusant de vouloir museler les enseignants par ce biais législatif. Jean-Michel Blanquer a réfuté toute volonté de contrôle de la parole enseignante et a expliqué qu’il s’agissait d’un amendement symbolique permettant d’éviter le dénigrement de l’institution scolaire.
Les sénateurs ont maintenu en substance cet article mais l’ont réécrit. Il devient sous leur plume : « L’engagement et l’exemplarité des personnels de l’éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l’établissement et contribuent au lien de confiance qui unit les élèves et leur famille au service public de l’éducation. Ce lien implique le respect des élèves et de leur famille à l’égard des professeurs, de l’ensemble des personnels et de l’institution scolaire. »
La commission justifie son choix par la volonté de rappeler que « cette exigence d’exemplarité est au service de l’autorité des professeurs et réaffirmer que la relation entre l’élève et le professeur est d’abord une relation d’autorité dans laquelle le respect est, avant tout, dû par les élèves et leur famille aux personnels et à l’institution scolaire. » Pas sûr que ce léger lifting suffise à apaiser les angoisses des enseignants.
Le Sénat a pensé aux professeurs. Il déplore par ailleurs que les conditions de travail de ceux-ci soient les grandes oubliées de ce texte « alors qu’il est de plus en plus évident que les descendants des hussards noirs de la République, clefs de voûte de la formation des jeunes Français, n’ont plus confiance en leur hiérarchie et ne se sentent plus ni écoutés ni considérés ».
L’article 6 quater a aussi fait beaucoup de bruit et suscité beaucoup d’interrogation. Il vise à rassembler certaines écoles et certains collèges en « établissements de savoirs fondamentaux » (EPSF). Ces « établissements publics des savoirs fondamentaux » regrouperaient « les classes d’un collège et d’une ou plusieurs écoles situées dans le même bassin de vie ».
Après avis du recteur, ces EPSF seront créés par arrêté du représentant de l’État dans le département. Ils seront dirigés par un chef d’établissement, qui aura un adjoint du premier degré. Un conseil d’administration supervisera cette structure, qui comprendra aussi un conseil école-collège. Introduite dans le texte en commission des lois, sur une proposition de la députée Cécile Rilhac (LREM), cette mesure a été pensée pour les écoles rurales qui pourraient ainsi développer des projets communs avec le collège