L'examen parlementaire du projet de loi mis au point par le ministre de l'éducation, Xavier Darcos, et instaurant dans les écoles un "droit d'accueil" des élèves, notamment en cas de grève, doit commencer le jeudi 26 juin au Sénat. D'ores et déjà, se profile une bataille d'amendements, entre élus de droite cherchant prioritairement à amoindrir le caractère contraignant de ce projet envers les communes, et leurs homologues de gauche souhaitant principalement limiter les obligations pesant sur les enseignants afin de préserver l'exercice du droit de grève, qu'ils jugent menacé. Au total, 55 amendements ont été déposés par les sénateurs.
RÉPONDRE AUX INQUIÉTUDES DES ÉLUS
A droite, le rapporteur du projet de loi, le sénateur UMP Philippe Richert, a déposé à lui seul une dizaine d'amendements pour permettre selon lui de rendre le texte "applicable par les maires". L'élu souhaite que le seuil de déclenchement soit de 20 % d'enseignants grévistes dans une commune, contre 10 % initialement prévu, ce qui limiterait la fréquence de mise en œuvre du dispositif. M. Richert essaie également de répondre aux inquiétudes des édiles sur trois points. Le premier porte sur la responsabilité des communes en cas d'accident. Un amendement prévoit que, dans ce cas, "la responsabilité administrative de l'Etat est substituée à celle des communes". Pour tenter de calmer les réticences de nombreux maires, le ministre de l'éducation, Xavier Darcos, avait dès le 27 mai annoncé qu'il soutiendrait un amendement dans ce sens.
La question de la compensation financière accordée aux communes en échange de l'organisation de l'accueil a aussi été traitée par un amendement. Le rapporteur propose d'utiliser le terme de "compensation" au lieu de "contribution", "afin d'inscrire dans la loi une relation de proportionnalité entre le montant des dépenses et les versements de l'Etat". Enfin, pour pallier d'éventuelles difficultés de recrutement, le sénateur plaide pour la constitution par les communes et les services académiques d'une "liste de personnes susceptibles de participer à l'organisation du service minimum".
DES ATTEINTES AU DROIT DE GRÈVE
Outre les fonctionnaires territoriaux qualifiés pour s'occuper d'enfants de 2 à 11 ans, des membres des associations familiales, des étudiants ou des mères de famille titulaires d'un BAFA (brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur) ainsi que des enseignants retraités pourraient se porter volontaires.
Si ces amendements sont susceptibles de calmer les récriminations des maires, au moins ceux de droite, le projet de loi provoque toujours l'hostilité de la gauche, notamment du PS qui a déposé une motion d'irrecevabilité, ainsi que des syndicats d'enseignants. Ces derniers ont pris comme une gifle l'annonce le 15 mai par le président de la République, au beau milieu de leur journée nationale d'action, du dépôt d'un projet de loi "avant l'été". Ils continuent de voir dans le projet des atteintes au droit de grève, en particulier à travers l'obligation pour les grévistes de se déclarer dans un délai minimal de 48 heures. Cette disposition, qui exclut les grèves d'humeur ou de réaction spontanée à un incident ou un événement, s'ajoute à l'obligation qui, selon l'article 5 du projet, serait faite aux organisations syndicales de déposer un préavis de grève seulement après une "négociation préalable " avec l'Etat.
Dans son article 2, le projet définit le droit d'accueil comme un dispositif dont bénéficie l'enfant "lorsque (les) enseignements ne peuvent pas être dispensés". Cette formulation, incluant implicitement d'autres cas de figure que la grève, comme d'éventuelle absences non remplacées, a fait bondir la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) et les syndicats d'enseignants, au risque pour ces derniers de sembler se contredire par rapport à leur défense du droit de grève. En fait, ces organisations estiment que cet article "remet en cause le remplacement systématique des enseignants absents par des enseignants" et pourrait "transformer l'école en garderie".
Attaqué sur deux fronts, le projet de M. Darcos risque d'apparaître comme une peau de chagrin. D'autant que la communication gouvernementale, depuis un an, s'est traduite par une série de glissements successifs du "service minimum" au "service minimum d'accueil" et maintenant au "droit d'accueil". A sa décharge, le gouvernement pourra néanmoins rappeler que dès la première référence de Nicolas Sarkozy à un éventuel service minimum dans l'éducation, le 16 mai 2007 devant un responsable syndical de la CFTC, alors qu'il recevait les partenaires sociaux, l'Elysée comme le ministère de l'éducation avaient précisé qu'il s'agissait d'accueillir les élèves dans les écoles en cas de grève, et non d'interdire aux enseignants de faire grève.