In Fcpe Montigny
"Je suis en colère" , c'est l'appel d'un enseignant du lycée Emilie de Breteuil (78), qui tire la sonnette d'alarme sur l'avenir de la filière technologique et professionnelle STI (industrielle), particulièrement touchée cette année du fait de la conjonction entre la mise en oeuvre de la réforme de la filière et la chute des moyens. Il faut dire que la réforme de cette filière STI, tant attendue par les enseignants eux-mêmes et sur laquelle ils avaient été consultés il y a quelques années, arrive au pire moment, en pleine suppression de moyens humains. La rentrée 2011, c'est d'abord 16000 postes en moins dans le public, alors que la réforme de la STI renommée STI2D (Sciences et Techniques de l'Industrie et du Développement Durable) entre en application avec d'énormes besoins de formation des enseignants. Une catastrophe annoncée mais évitable si on se donnait du temps.
La filière STI passe de onze à quatre spécialités (EE, SIN, ITEC, AC). Il n'y aura plus de véritable spécialité, et les profs vont se retrouver à construire de nouveaux cours en très peu de temps, dans des domaines où ils n'ont pas encore été formés. En fait, cette réforme, plutôt ambitieuse, cache un véritable plan social de l'enseignement technologique public en France, qui arrive à point nommé pour le Ministre pour arriver à "absorber" les 16000 postes. Sur trois ans, la moitié des enseignants en STI risque de disparaître, et les rectorats proposeront à nombre d'entre eux d'enseigner la techno en collège. Comme le reste de la réforme du lycée, la nouvelle STI a été aussi conçue comme un levier supplémentaire de suppressions de postes, car elle diminue les heures d'atelier (moins de dédoublements = moins d'heures), et les horaires des enseignements de spécialités se voient réduits au bénéfice des matières générales (cours en classes entière). Sur le fond, cette réforme implique un changement de stratégie majeure de l'Education Nationale: on cherche à déprofessionnaliser cette filière, à couper tout lien entre l'élève et les machines. Or, jusqu'à présent, la STI était une filière professionnalisante, qui permettait un choix entre vie professionnelle juste après le Bac (les élèves pouvaient s'adapter à un emploi de qualification technique moyenne), ou la poursuite des études en BTS, puis au-delà en licence professionnelle.
La nouvelle STI permet toujours l'accès à des voies professionnalisantes (STS ou IUT), mais on veut que cette formation soit intégrée dans l'enseignement général au lycée. Désormais, les élèves devront poursuivre leurs études car ils auront une formation plus généraliste, invendable sans post-formation, ce qui est un peu contradictoire avec les enjeux d'une filière technologique (on n'en est pas à un paradoxe près), et qui ne correspond pas forcément à leur attente, car beaucoup cherchaient un contact avec la technique. Tout cela risque d'aboutir à une privatisation de la formation professionnelle et technologique. Toujours moins d'éducation... .. Pour les parents , cela représente toujours moins de choix de formations publiques pour leurs enfants.
Les enseignants du lycée Emilie de Breteuil cherchent depuis deux mois à alerter les medias, les autorités,
les politiques, sur les conséquences de cette réforme. La FCPE soutient leur action, entamée il y a deux ans autour du sort du BTS CIM, que le recteur a décidé à nouveau de rayer de la carte des formations 2011, alors qu'il avait été réouvert et qu'il accueille potentiellement 12 élèves/an (demi-section). D'ailleurs, on ferme des dizaines de BTS dans toute l'Ile-de-France à la rentrée 2011, alors que les premiers bacheliers de la future réforme STI2D ne sortiront qu'en 2013. Cela donne 3 ans à l'Etat pour finir de casser la filière technologique post-bac.
Les enseignants élus au conseil d'administration du lycée Emilie de Breteuil demandent aux politiques de s'intéresser à cette réforme STI, et réclament un moratoire de son application. Ils sont convaincus que rien ne sera prêt pour la rentrée 2011, et que leur hiérarchie, impuissante, et prise entre le marteau et l'enclume, balade l'opinion publique. La formation des enseignants sera à peine entamée...
Nous relayons ici un appel de colère lancé par un professeur d'électronique du lycée, Jean-Michel BAUD, qui précise ceci dans son témoignage aujourd'hui:
"Plus on avance dans la réforme STI2D et plus j'ai le sentiment que le bateau part à la dérive. Je vous rappelle que, nous, professeurs de STI du lycée Emilie de Breteuil, nous n'avons reçu aucune formation à ce jour pour assurer correctement les cours de la rentrée 2011!
Après avoir étudié consciencieusement le langage UML pendant mes vacances (je me suis informé, j'ai étudié puis élaboré mes fiches de référence pas forcément pour mes élèves mais peut-être pour en assurer une information auprès de mes collègues) j'apprends le lundi matin de la rentrée que le langage UML est abandonné!"
La suite...