Des ministres faibles ou inconsistants, il n'en manque pas dans l'équipe de Jean-Marc Ayrault. Mais Vincent Peillon ne fait assurément pas partie du lot. Philosophe cultivé, il est au contraire l'un des rares qui soient dotés d'une forte personnalité. Lui avait préparé les réformes qu'il souhaitait conduire. A la différence d'un Pierre Moscovici qui a hérité du ministère des Finances par ambition, presque par hasard, et qui, dandy dilettante à la manière de son ex-mentor Dominique Strauss-Kahn, n'a jamais pris la peine d'apporter sa pierre à une refondation ou à l'enrichissement de la doctrine économique des socialistes, Vincent Peillon avait, lui, pour l'éducation une véritable passion. Il aurait donc pu - c'est le premier des paradoxes - être un grand ministre.
Le second paradoxe, c'est que l'Education nationale a aussi été l'un des atouts de François Hollande pendant la campagne présidentielle. Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la politique de réduction à marche forcée des effectifs publics a fait des ravages : au total, ce sont près de 80 000 postes d'enseignants qui ont été supprimés en cinq ans. Avec sa promesse d'inverser le cours des choses et de créer 60 000 postes, le candidat socialiste avait redonné de l'espoir aux enseignants.
Cet espoir, Vincent Peillon l'a consolidé, tout au long de la campagne présidentielle, en détaillant le projet socialiste, et la refondation de l'école qu'il prévoyait, dont la réforme des rythmes scolaires n'était que l'un des volets. A l'époque, le projet a été applaudi, car la plupart des observateurs, syndicats d'enseignants compris, étaient d'accord pour constater que la réduction à quatre jours de cours par semaine en primaire, décrétée en 2008 par Nicolas Sarkozy, n'était pas conforme à l'intérêt des écoliers. Puis, l'espoir est retombé. Avant de céder le terrain à la morosité, voire à la colère.
De mystère, il n'y en a guère : c'est la politique d'austérité qui progressivement a fait sentir ses effets.
Le premier signe est venu dès la campagne présidentielle, quand François Hollande a fini par convenir - d'abord du bout des lèvres - que les 60 000 fameuses créations d'emplois dans l'éducation auraient une contrepartie qui initialement n'avait pas été annoncée : des suppressions de postes en nombre équivalent dans d'autres ministères.
Le budget pour 2013 est ensuite venu conforter cette désillusion, avec des crédits sous forte contrainte, hormis ceux débloqués pour les créations de postes. Puis il y a eu la confirmation que la politique salariale d'austérité conduite par Nicolas Sarkozy pour la fonction publique serait maintenue. Alors qu'aucune mesure de revalorisation générale du point d'indice qui sert de base au calcul des salaires des fonctionnaires n'est intervenue depuis 2010 - et encore, cette année-là, le gouvernement de François Fillon s'était-il montré chiche, avec une hausse de seulement 0,5 % -, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a fait le choix de maintenir ce gel. Circulez, il n'y a rien à négocier !...