par Alain Refalo
Lorsqu’en 2008, Xavier Darcos a mis en œuvre sa funeste réforme de l’école en supprimant le samedi matin et en imposant la semaine de quatre jours pour tous, je suis entré en résistance. J’ai refusé d’appliquer à la lettre le dispositif de l’aide personnalisée qui alourdissait le temps de travail des élèves soumis dès lors à la journée de classe la plus longue du monde. Dans la plupart des écoles, l’aide personnalisée rajoute une demi-heure de travail par jour en moyenne à une journée de 6h de classe. Depuis 2008, les élèves repérés en difficulté ont ainsi le « privilège » de subir la journée la plus fatigante qui soit…
Afin de ne pas trahir l’éthique des missions qui m’étaient confiées, afin de ne pas être complice d’une école élitiste et inégalitaire, j’ai alors estimé que je n’avais d’autre choix, en conscience, que de refuser d’obéir au dispositif de l’aide personnalisée qui instaurait une stigmatisation choquante et contribuait à maltraiter les enfants. Des milliers d’enseignants du primaire ont alors pris le chemin d’une résistance pédagogique ouverte et assumée pour défendre l’école de la République menacée par des réformes scélérates.
L’essentiel des études portant sur les rythmes scolaires, dont celle rapportée en 2010 dans le cadre d'une mission de l'Assemblée nationale et celle pilotée la même année par l'académie de médecine, abondent d’ailleurs dans le sens des enseignants du primaire qui ont osé désobéir pour ne pas pénaliser leurs élèves. Il a ainsi été démontré que la semaine de quatre jours était source d'un surcroît de fatigue et de stress, deux facteurs fortement préjudiciables aux apprentissages des enfants. Aujourd'hui, et contrairement à son prédécesseur, le ministre de l’Education Nationale Vincent Peillon reconnaît toute la nocivité d'un temps scolaire qui, avec « six ou sept heures » de classe hebdomadaires « épuise les enfants »[1].
Diminuer le volume horaire annuel
Il faut donc saluer la décision du ministre d’abolir la semaine de 4 jours et d’instaurer la semaine de 5 jours ou la semaine des 9 demi-journées de classe. Pour l’heure, le ministre envisage de laisser aux communes le choix du mercredi ou du samedi matin. Je plaide sans hésitation pour le mercredi matin. Je parle en connaissance de cause puisque dans ma commune (Colomiers, Haute-Garonne), pendant plus de vingt ans, nous avons connu la classe le mercredi matin. Cette matinée au milieu de la semaine n’a que des avantages. D’une part, elle permet de ne pas casser le rythme de la semaine, tant pour les élèves que pour nous-mêmes d’autre part, nous savons que les enfants se couchent généralement moins tard le mardi puisqu’il y a classe le lendemain. Dans la semaine de 4 jours, le jeudi matin est l’équivalent du lundi : des élèves fatigués, peu attentifs et un concert de bâillements !
Faire classe le mercredi matin ou le samedi matin (3 heures) offre la possibilité de réduire le volume horaire les autres jours de la semaine. A condition également de considérer que le temps scolaire annuel doit baisser. Nous sommes en effet l’un des pays en Europe qui a le plus d’heures de classe par an (si l’on prend en compte les 60 heures d’aide personnalisée annuelles), mais le moins de jours de classe. 144 jours de classe pour 924 heures annuelles contre 185 à 190 jours dans la plupart des pays européens avec une moyenne de 800 heures de classe par an. Pourquoi les écoliers français travailleraient-ils 100 heures de plus que les enfants de la plupart des autres pays d’Europe ? (avec des résultats inférieurs dans les évaluations internationales). Il faut donc supprimer le dispositif de l’aide personnalisée, facultatif pour les élèves en difficulté, et qui alourdit leur journée de classe, sans renoncer à la mise en place d’aides individualisées sur le temps de classe obligatoire dans le cadre d’une pédagogie différenciée.
Avec un volume horaire annuel de 830 heures (soit 36 semaines x 23 heures) et le retour du mercredi ou du samedi, nous pouvons donc organiser la semaine scolaire sur 4 jours et demi avec 5 heures de classe par jour ( les lundi, mardi, jeudi et vendredi) et 3h le mercredi ou le samedi. On aboutit ainsi à une semaine scolaire de 23 heures par semaine. Si les enseignants du primaire doivent faire une heure de plus par jour à l’école pour effectuer les 27 heures hebdomadaires, cela offrira davantage de temps pour les concertations, les préparations et le travail en équipe. Cette respiration quotidienne à l’école permettrait de prendre du recul avec l’immédiateté de la classe. Qui pourrait s’en plaindre ?
Un cadre national, un aménagement local