Face à la suggestion d'instaurer des quotas d'étudiants boursiers, les grandes écoles françaises arguent d'une « baisse de niveau ».
Les grandes écoles françaises sont contre les quotas de boursiers et même tout ce qui pourrait y ressembler. Officiellement, bien sûr, elle ne vont pas jusqu'à assumer un recrutement élitiste sur critères sociaux. La ministre de l'Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, a souhaité à plusieurs reprises qu'on arrive à 30% de boursiers à l'entrée de ces établissements réputés (sans pour autant exiger de quota), et fin décembre, les écoles se sont cabrées.
Officiellement, c'est l'attachement au « mérite républicain » qui motive ces résistances. Or, lorsqu'on les interroge, certains chefs d'établissement en dévoilent davantage : selon eux, un effort en faveur des étudiants boursiers ferait « baisser le niveau ».
La prédiction sonne comme une menace, alors que la France est déjà très mal lotie dans les classements d'excellence à l'échelle mondiale. Qu'importe si un tiers des élèves inscrits en classe prépa sont désormais boursiers, à la faveur d'une évolution récente : les 221 établissements rassemblés sous la bannière de la Conférence des grandes écoles (CGE) refusent en bloc tout ce qui relèverait d'une politique volontariste.
Voici, pour mémoire, les ratios actuels de boursiers dans des écoles bien connues :
- Ecole centrale Paris : 13,67%
- HEC et ESSEC : 12%
- Polytechnique : 11,03%
- Mines Paris : 9,47%
- Agro Paris Tech : 12,22%
A l'inverse, Sciences-Po Paris, qui ne fait pas partie de la CGE, avait fait preuve d'audace en 2001 en ouvrant un accès spécial pour les bacheliers issus des ZEP : l'école de la rue Saint-Guillaume s'est engagée à relever son ratio à hauteur de 30% à la rentrée 2012.
On ne peut pas en dire autant de HEC : l'école, qui s'était flattée à peu de frais en avril 2008 de décréter la gratuité des frais de scolarité pour ses boursiers, était aux abonnés absents, ce mardi, pour expliquer où en est aujourd'hui leur politique de mixité sociale.
Pourtant, le raisonnement de ces réfractaires est très fragile. Rien n'indique qu'un effort pour intégrer davantage d'étudiants issus de milieux modestes ait un effet négatif sur le niveau général : les expériences montent plutôt qu'il n'en est rien.
Agnès Van Zamten, universitaire spécialiste de l'éducation et de la formation des élites, précise qu'il n'existe aucune étude croisant le ratio de boursiers et le niveau d'excellence d'une formation post-bac.
Patrick Weil (CNRS, Paris-I Panthéon-Sorbonne) rappelle quant à lui qu'aux Etats-Unis, l'ouverture des facs les plus prestigieuses aux meilleurs lycéens d'extraction fragile n'a pas été synonyme de médiocrité.
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