Autant le ministre de l'enseignement supérieur est incollable sur les classes moyennes modestes, autant il est approximatif sur l'enseignement supérieur. "Cinq établissements sur 150 ont des difficultés financières", a asséné Laurent Wauquiez ce matin sur France Inter. Le 17 novembre, il y en avait 8 sur 83. Cherchez l'erreur...
A moins de cinq mois de la présidentielle, les problèmes budgétaires rencontrés par les universités font tache. Le candidat-non-déclaré Nicolas Sarkozy veut brandir l'autonomie des universités - avec la loi LRU ou "loi Pécresse" - comme l'une des réformes phare de son quinquennat. Alors, il y a un peu d'embrouille sur les chiffres.
Pour comprendre le le tour de passe-passe, reprenons le déroulé qui est plutôt confus:
- Le 23 novembre, il en publie la liste - 6 universités et 2 établissements. Mais plusieurs protestent, avançant des raisons purement techniques à ce déficit.
Le jour même, le ministère se ravise et retire l'université de Nice-Sophia-Antipolis. Il avait regardé les comptes un peu vite. On passe alors de 8 à 7.
- Aujourd'hui interrogé sur France Inter, Laurent Wauquiez parle de "moins de 5 établissements sur 150 qui vont finir l'année avec des difficultés importantes". D'où viennent ces nouveaux chiffres - moins de 5 établissements, et non plus 7, sur 150 au lieu des 83 évoqués jusqu'ici - qui arrangent bien les affaires du ministre ?
Deux établissements, explique Laurent Wauquiez, ont été retirés de la liste - l'Insa de Rouen et Paris 13-Villetaneuse - car leurs déficits s'expliquent par des "amortissements d'investissement" et ne sont donc pas des déficits de fonctionnement. De 7, nous voilà donc à 5.
L'astuce vient ensuite: le ministre ne prend plus comme référence les seules universités. Ce qui ne l'empêche pourtant pas de conclure: "Moins de 5 sur 150, cela montre que les universités ont réussi à s'approprier l'autonomie, que l'on peut faire confiance aux présidents d'université"....
Cette fois Laurent Wauquiez prend comme référence l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur rattachés à son ministère:
- les 83 universités - en fait, il n'y a en plus que 81 depuis la fusion des 3 universités de Strasbourg,
- les 15 grandes écoles d'ingénieurs et les 8 IEP (Instituts d'études politiques) de province - la liste figure sur le site du ministère sous le titre d'"établissements à caractère administratif" -, soit un total de 23,
- les 46 grands établissements, Ecoles normales supérieures (ENS), instituts polytechniques, etc - la liste figure sous le titre d"' "établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel". Mais attention, il faut recompter ! Le site annonce 2 instituts nationaux polytechniques mais il y en a 4, 14 instituts et écoles extérieurs aux universtiés mais il y en a 17, etc....
Bref, on arive à 152. Le chiffre du ministre est donc à peu près juste, mais le raisonnement tordu. Toutes les universités ont vocation à devenir autonomes, donc à gérer leurs budgets et à être responsables de leurs déficits - 75 sont déjà autonomes, les 8 restantes le seront au 1er janvier 2012.
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