par Pierre Frackowiak
La souffrance des enseignants freinera-t-elle la refondation du système éducatif ?
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Encore une question qui est trop souvent ignorée, sous-estimée et fuie.
La souffrance des enseignants a connu, en quelques années, une augmentation dramatique. Les enquêtes les plus sérieuses ne le révèlent que partiellement, les enseignants interrogés, même anonymement, peinent à exprimer et surtout à expliquer leurs problèmes. La pudeur, l’auto culpabilisation, la difficulté à analyser la réalité d’aujourd’hui faute de pouvoir se libérer de l’image idéalisée du passé, l’absence de perspectives crédibles, la crainte du changement opacifient toujours la réflexion. La solitude, l’absence d’accompagnement positif, l’ignorance du parcours intellectuel des enseignants et de leurs représentations renforcent inexorablement le malaise.
On juge l’enseignant sans connaître son histoire, ses motivations, les raisons de ses choix, son propre regard sur ses pratiques, l’implicite, les alibis et les bonnes raisons, les contextes. Le pilotage par les résultats, totalement déshumanisant dans un domaine qui devrait naturellement privilégier l’humain, a accéléré la destruction de la représentation du rapport homme ou femme / professionnel. Chaque enseignant connaît pourtant cette belle affirmation : « on n’enseigne pas ce que l’on sait, on enseigne ce que l’on est[i]. ». La disparition de la formation initiale et continue et le développement sans précédent de l’autoritarisme ont renforcé l’accélération, ajoutant à la souffrance une impression de fatalité et d’impuissance.
J’ai déjà évoqué ce problème dans un billet précédent citant le témoignage d’un professeur dont une grande partie de l’énergie était consacrée à « éviter la bordélisation ». On admettra que parler de pédagogie à des collègues d’abord préoccupés par leur survie est une gageure. Donner des conseils qui ne sont le plus souvent que des critiques en creux devient dérisoire au regard de la gravité des problèmes. Les critiques ou recommandations ne sont même plus entendues tant l’urgence est ailleurs.
Les professeurs sont de plus en plus nombreux à exprimer leur désarroi :