Adeux jours d’une grève nationale dans le primaire, un sondage (1) commandé par le principal syndicat, le SNUipp-FSU, que Libération s’est procuré, éclaire d’un jour nouveau l’état d’esprit dans les écoles. Au-delà du mécontentement suscité par la mise en place des nouveaux rythmes scolaires, les instits se sentent toujours aussi peu considérés et malmenés qu’avant. Comme s’ils ne percevaient pas les efforts faits en leur direction depuis l’élection de François Hollande, après les années de suppressions de postes de l’ère Sarkozy. Retour sur ce décalage entre une politique affichée et sa perception.

La priorité au primaire peu visible sur le terrain

Moins d’un tiers des instits (29%) considèrent que le primaire est une priorité du gouvernement - les enseignants les plus jeunes, les directeurs et les syndiqués étant les plus positifs. C’est peu, alors que le ministre de l’Education, Vincent Peillon, a justement fait de cette priorité la mesure phare de sa refondation de l’école, au nom d’une conviction : l’échec scolaire se joue dès les petites classes, c’est donc là qu’il faut faire peser l’essentiel de l’effort. Mais manifestement, il n’a pas convaincu.

«Cette priorité au primaire est pourtant une réalité, souligne Christian Chevalier, responsable du syndicat SE-Unsa, on n’a même jamais fait autant d’efforts : on a créé des postes, lancé le dispositif "Plus de maîtres que de classes", des nouveaux programmes vont être discutés et nos collègues commencent à recevoir leur nouvelle indemnité annuelle de 400 euros. Mais ils ne perçoivent pas encore l’impact de toutes ces mesures, il faudrait une montée en charge. Pour l’instant, on est plutôt dans la réparation [de la politique précédente, ndlr].» Sébastien Sihr (lire page 26), à la tête du SNUipp, pointe, lui, une erreur de stratégie du ministre : sa trop grande focalisation initiale sur la question de la semaine scolaire, comme si c’était la condition sine qua non de tout changement. «Les rythmes ont tout écrasé, estime-t-il, et ont masqué les mesures prises qui allaient dans le bon sens.»

Une réforme des rythmes oui, mais pas celle-là

Seuls 6% des enseignants interrogés soutiennent la réforme telle qu’elle a été conçue par le ministre - des journées de cours moins chargées, avec des activités en fin d’après-midi, et des apprentissages plus étalés dans la semaine, avec trois heures de classe le mercredi matin. Simultanément, 80% disent souhaiter un changement de rythmes scolaires. Et une petite minorité (14%) se dit opposée à toute réforme dans ce domaine. «On peut nourrir un certain optimisme, avec 80% de professeurs des écoles reconnaissant qu’il faut travailler cette question, souligne Christian Chevalier, dont le syndicat défend les nouveaux rythmes. Le problème est : si ce n’est pas celle-là, quelle autre réforme souhaitent-ils ? Et là, on risque d’avoir autant d’avis que d’enseignants, et des avis contradictoires.» Le responsable syndical, qui n’appelle pas à la grève du 5 décembre, reconnaît que les profs ont pu avoir le sentiment d’une «réforme assénée d’en haut» et appliquée à la va-vite. Beaucoup - experts et syndicalistes - pointent aussi des failles dans la communication du ministre lors de l’interminable polémique sur les rythmes. Pour les uns, il a bien trop parlé des activités périscolaires, au détriment du bénéfice principal de la réforme - des apprentissages plus progressifs qui vont profiter aux élèves les plus fragiles. Pour les autres, en multipliant ses interventions médiatiques, il a voulu convaincre la France entière du bien-fondé de sa réforme, mais il a oublié de s’adresser aux enseignants qui attendaient beaucoup du nouveau ministre socialiste, qui plus est prof de formation.

 

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