La réforme de l’évaluation des enseignants envisagée par le gouvernement donne au chef d’établissement un rôle clé dénoncé par les syndicats.
Des proviseurs qui vont évaluer les enseignants, un entretien individuel tous les trois ans, la fin d’une progression de carrière largement mécanique… La réforme annoncée de l’évaluation des enseignants provoque un tollé. Les syndicats dénoncent un texte élaboré quasiment sans concertation et qui remet en cause leur métier. Le ministère explique qu’il faut moderniser un système qui ne satisfait plus personne. Retour sur l’une des dernières réformes du quinquennat dans l’Education nationale.
Que propose le texte du gouvernement ?
Selon les projets d’arrêté et de décret révélés mardi par le site Le café pédagogique, les enseignants auront désormais un entretien tous les trois ans avec leur supérieur hiérarchique - le proviseur ou le principal dans le secondaire, l’inspecteur de l’éducation nationale (IEN) dans le primaire. Celui-ci transmettra un compte rendu au recteur et lui proposera éventuellement d’accorder un certain nombre de mois d’ancienneté supplémentaires à l’enseignant, ce qui se traduira par une augmentation de salaire. L’entretien avec le proviseur, qui devient un homme clé, conclut trois ans d’un processus assez flou, présenté comme une «autoévaluation» - si l’on comprend bien, les enseignants se fixent des objectifs, regardent les progressions de leurs élèves, notent leurs difficultés, quitte à demander conseil à l’inspecteur qui intervient toujours ici.
Il s’agit d’un tournant, surtout dans le secondaire. Aujourd’hui, les enseignants reçoivent deux notes - l’une pédagogique, sur 60 ; l’autre administrative, sur 40. Dans le primaire, les profs sont notés par l’IEN. Dans le secondaire, c’est l’inspecteur pédagogique régional, spécialiste de la discipline, qui met la première note. Le proviseur ou le principal donne la seconde. Mais de fait elle compte très peu : pour les profs qui ont le même échelon de carrière, la tradition veut que le chef d’établissement mette la même note à un demi-point près. De plus, les inspections sont rares : un prof peut rester jusqu’à dix ans sans en avoir. Sa carrière se déroule alors à l’ancienneté.
Que critiquent les syndicats ?
Certains reconnaissent que le système est perfectible. Mais quasiment tous réclament le retrait des textes. Ils dénoncent des risques d’arbitraire et de mise en concurrence des enseignants. Surtout, ils estiment que la réforme induit une véritable transformation du métier et qu’elle aurait nécessité des discussions plus larges. Les textes prévoient en effet que les profs ne soient plus évalués seulement sur leurs compétences disciplinaires, mais aussi sur leur implication dans «l’action collective de l’école» - comme des projets pédagogiques pluridisciplinaires ou des dispositifs pour maintenir une bonne ambiance dans l’établissement, faire baisser les tensions, etc.
Les plus hostiles, comme le Snes-FSU (principal syndicat du secondaire), estiment qu’il s’agit d’une «agression frontale» contre un métier dont la mission première est, et doit rester, la transmission des connaissances et qui serait dévoyé. «Malgré son incapacité à évaluer le travail pédagogique concret des enseignants dans leur enseignement disciplinaire, le chef d’établissement serait le seul chargé de l’évaluation», proteste le Snes, qui menace d’«actions à la hauteur de l’agression».«Ce qui deviendra de fait premier, poursuit-il, ce n’est plus le cœur du métier, la capacité de l’enseignant à faire acquérir savoirs et compétences à ses élèves, mais tout ce qui est périphérique à l’acte d’enseigner.»
Plutôt favorable à la réforme, Philippe Tournier, responsable du SNPDEN-Unsa (syndicat majoritaire des chefs d’établissement), reconnaît qu’elle marque un virage, la compétence disciplinaire n’étant plus l’élément principal pour évaluer un prof. Et il reproche au gouvernement d’avoir procédé «de façon si abrupte. On ne peut changer le système sans dire clairement aux enseignants ce que l’on attend d’eux».
Quelles sont les arrière-pensées politiques ?
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