Par François Jarraud Qui souscrit à l'annonce de transformer la dernière année de bac professionnel en apprentissage ? La proposition de Nicolas Sarkozy est rejetée par les acteurs de l'Ecole, toutes catégories confondues. Elle inquiète fortement certains. Serait-elle bassement électoraliste ? Cette mesure est-elle à même de réduire le chômage des jeunes ? Est-ce même faisable ? "Je suis sceptique sur la généralisation systématique", nous confie Patrick Guès, responsable de la communication des Maisons familiales rurales, des structures qui ont des classes agricoles en pré-apprentissage. P Guès est favorable à l'alternance et au pré-apprentissage qu'il voudrait voir étendre aux secondes professionnelles. Pour lui, "croire que tous les apprentissages doivent obligatoirement se faire entre les murs d'une classe n'a pas de sens. Notre expérience prouve que le savoir ne s'acquiert pas qu'à travers le professeur". Pour autant, il déplore cette confusion entre alternance et apprentissage et ne croit pas la mesure Sarkozy possible. "On n'a pas la même culture que l'Allemagne", précise-t-il. Même perplexité à la Peep. Valérie Marty, la présidente de l'association de parents d'élèves, ne voit pas pourquoi ce serait systématique "alors que les bacs professionnels sont si différents. Cela présuppose que les entreprises aient la capacité d'accueillir tous ces jeunes. Je ne comprends pas le sens de cette mesure", nous confie-t-elle. "L'expérience de l'entreprise est importante pour les jeunes. Les stages sont une bonne chose", souligne Henriette Zoughebi, vice-présidente de la région Ile-de-France en charge des lycées. "Mais les patrons ne veulent pas d'apprentis trop jeunes. Ils cherchent des qualifications élevées. C'est aussi une question de loi du marché". De fait si l'apprentissage se développe rapidement c'est au niveau post-bac. Le nombre de contrats d'apprentissage est très loin d'atteindre les objectifs gouvernementaux et spécialement pour les bas niveaux de qualification. "L'apprentissage est lié au marché de l'emploi et de l'économie", explique Thierry Cadart, secrétaire général du Sgen Cfdt. "Augmenter de 250 000 le nombre d'apprentis est irréaliste économiquement. Les contrats d'apprentissage en si grand nombre absorberaient une partie supplémentaire de l'activité, bloquant ainsi l'accès à l'emploi pour les jeunes diplômés". Une mesure préparée par la loi Charpion. Pourtant, en juillet 2011, le gouvernement a changé les règles du jeu avec la loi Charpion. Elle pallie le refus des entreprises d'embaucher des apprentis en relevant le taux obligatoire d'apprentis de 3 à 4%. Elle invente aussi l'apprentissage sans entreprise en permettant d'entrer en formation d'apprentissage sans contrat avec une entreprise, le jeune étant considéré stagiaire pendant un an. Une mesure discriminatoire ? "Autant le choix entre lycée professionnel et alternance peut se poser pour certains jeunes, autant la systématisation est inquiétante", nous confie Henriette Zoughebi. "Aujourd'hui on a des difficultés à trouver des stages pour des jeunes qui veulent entrer en apprentissage pour bénéficier d'une rémunération mais qui ne sont pas pris par l'entreprise en raison de discrimination sur leur nom, leur adresse, leur faciès ou leur sexe". Ainsi 600 jeunes auraient vu leur diplôme professionnel validé dans l'académie de Créteil alors qu'ils n'ont pas trouvé de stage. "La formation professionnelle scolaire par contre est une garantie pour tous les jeunes de pouvoir se former et c'est très important. On a besoin de jeunes titulaires d'un bac pro ou d'un BTS mais que leur diplôme ne dépende pas du bon vouloir d'un patron. On est là sur une question de fond. La proposition de Nicolas Sarkozy aggraverait la situation de ces jeunes. Elle est scandaleuse", souligne H Zoughebi. La destruction de l'enseignement professionnel ? La suite... |