Tribune. Monsieur le ministre, s’il y a un point sur lequel nous nous rejoignons, c’est bien que l’école publique manque cruellement de confiance. Ce lien de confiance, nous le construisons, chaque jour, avec nos élèves afin qu’ils progressent. Or nous voyons l’école publique se dégrader d’année en année. Les fermetures de postes entraînent une augmentation du nombre d’élèves par classe. L’accueil des enfants en situation de handicap ou en difficulté s’effectue sans moyens humains et matériels adaptés. Les enseignants spécialisés des réseaux d’aide sont de moins en moins nombreux.

Les réformes se succèdent tous les quatre, cinq ans sans réelle consultation. Dans certains départements, la formation continue des enseignants est réduite à quelques conférences et formations en ligne. Plus généralement est constatée une baisse des moyens attribués.

Vos propositions d’amélioration se heurtent à des impossibilités matérielles, pédagogiques et de gestion de personnels. Dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP), les dédoublements des CP/CE1 sont inapplicables faute de locaux. Des postes sont supprimés ailleurs pour compenser. Certains enfants sont mis en échec par des évaluations inadaptées dès le début de l’année de CP. Les enseignants ayant refusé de faire passer et/ou remonter ces évaluations subissent des pressions de leur hiérarchie. Aujourd’hui, vous proposez un nouveau projet de loi.

Afin de mettre en place l’instruction obligatoire dès 3 ans, vous permettez, durant deux ans, que l’instruction puisse être donnée dans des jardins d’enfants. Ces deux années offrent la possibilité à ces «jardins d’enfants» d’évoluer en structures différentes, à savoir, des accueils périscolaires, des écoles privées hors contrat ou des crèches passerelles pour les plus petits.

Nous rappelons que 97% des enfants sont déjà scolarisés dès 3 ans, que les missions et formations des professionnels de l’école maternelle et des jardins d’enfants sont fondamentalement différentes, que l’école maternelle est gratuite et les jardins d’enfants payants. Cet abaissement de l’instruction obligatoire aura également pour effet de réduire le budget des communes attribué à l’école publique, les fonds se répartissant avec l’école privée.

Votre projet prévoit l’inclusion des enfants en situation de handicap. A ce jour, les enfants qui requièrent une attention soutenue et continue peuvent bénéficier d’une aide individuelle. Votre proposition d’inscrire dans la loi la possibilité de mutualiser des auxiliaires de vie scolaire (AVS) rend possible légalement qu’une seule AVS s’occupe de plusieurs enfants en même temps. Dans de telles conditions, l’aide spécifique et personnelle pour ces enfants ne sera plus systématiquement assurée.

Vous proposez la possibilité de créer des établissements regroupant école-collège (EPSF). Aucune ligne de votre projet ne prévoit l’accord des premiers concernés : enseignants et parents. Vous suggérez que les directeurs actuels ne disparaîtront pas, or dans vos éclaircissements, vous ne parlez que de «fonction» de directeur et de «responsable local». Ni la conservation de la fonction de direction ni la nomination d’un responsable local ne garantissent le maintien des directeurs actuels dans nos écoles. De plus, votre projet ne mentionne que la nomination d’adjoints au chef d’établissement pouvant gérer plusieurs écoles.

Ces possibles auront pour effet de supprimer la relation de proximité nécessaire à toute école entre directeur, parents et enseignants. Les tâches pédagogiques et administratives qui en découlent seront alourdies, voire impossibles à réaliser.

La confiance, Monsieur le ministre, nous la portons envers nos élèves qui, chaque jour, malgré toutes ces dégradations, continuent de croire que l’école publique les portera vers un devenir citoyen et respectueux.

Monsieur le ministre, nous, enseignants de l’école de la République, réclamons une école plus juste et égalitaire. Pour ce faire, nous exigeons le retrait total de votre projet de loi dit «école de la confiance» !

Signataires : Anne-Marie Auguste, Marion Pagès, Emilie Ruellan, Nathalie Mestre, Véronique Montesinos, Jessica Dattrino, Caroline Galli, Marina Schweitzer, Nathalie Fuan, Isabelle Pizon, Julie Angely, Stéphanie Verdot, Caroline Ruquet, Krystel Nicolas, Raphael Girard, Virginie Castan, Amandine Clément, Charlotte Pichon.  

Le collectif des enseignant.e.s des écoles ou groupes scolaires J. Jaurès, J. Ferry, J. Renon, T. Gautier, C. Perrault, A. Camus/S. Weil, L. Daeur, E. Herriot, C. Peguy de la commune de Villiers-sur-Marne